Devant son projet de lancer le javelot (page 70), elle s��tonne�: �Le fr�re que j�avais hier �tait d�fenseur des rats. � l��gard m�me de Christian, elle constate�: �Lorsqu�il est ici, au lieu d��tre trop pleins de lui, mon c�ur et ma t�te sont trop vides de lui.� (page 174). Mais, voulant r�sister � sa s�duction, elle s'oblige � la d�tester�: �Elle me berce et me donne des baisers. L�espace dans lequel je suis, o� que je sois, personne ne peut y p�n�trer. Christian ne veut pas que tu l�aimes ! Se d�signant comme �Mle Bovary�, elle se r�jouit�: �Mlle Bovary �tait amoureuse des bombes et des grenades. Ils croyaient que je venais espionner. Let me show you your room.� (page 187). Toutefois, dans l'�pisode de la guerre isra�lo-arabe, ce n'est pas l'exp�rience de l'appartenance qui est mise en sc�ne mais bien l'absurdit� de ce sentiment. Le Moyen �ge�:
- �Gautier Sans-Avoir� (page 73) est un personnage historique�: seigneur de Poissy, il fut, avec Pierre l'Ermite, un des meneurs de la ��Croisade populaire", partie en avant-garde de la premi�re croisade, bien avant la mise en marche de celle des nobles et seigneurs. � l��gard des �tres humains, sa m�fiance est g�n�ralis�e�: �Quelqu�un qui m�aborde, c�est quelqu�un qui veut quelque chose, qui a quelque chose � �changer contre quelque chose qui est pour lui d�une plus grande valeur, qui a une id�e derri�re la t�te.�Je les vois venir avec leurs gros sabots. Sont �voqu�es aussi la rivalit� de Cic�ron avec Verr�s (page 136) et son ��loquence� (page 242). L�Arm�nie avec ses rivi�res, l�Araxe et la Koura (page 240), son mont Ararat�(si on peut �se sentir port� vers le mont Ararat par le hors-bord de No� [page 114] c�est que, selon la Bible, l�arche de No� aurait abouti sur le flanc de cette montagne) est le lieu d�origine de la famille Einberg. Cela ne peut qu�effrayer cet eff�min�, qui �z�zaie comme un perverti� (page 285), dont les mains ��blouissent� B�r�nice. On est dans une chambre. Si elle affirme souvent la toute-puissance de son moi, B�r�nice exprime aussi sa difficult� � le saisir, voit un danger en tout ce qui lui est ext�rieur, en tout ce qui n'est pas lui. Je leur impose la seule forme que je connaisse�: la mienne. Je n�ai besoin de rien. ‘’L’avalée des avalés’’ est riche de toute une mémoire livresque. Christian�:
C�est un gar�on sportif, �fou de glace vive et de grand air� (page 55), lanceur de javelot, un amoureux de la nature passionn� par les plantes comme par les animaux, partant �en croisade contre les men�es cruelles d�Einberg et des braconniers� (page 67), d�o� sa d�couverte du drame de l�ondatra. On ne peut s�rieusement vouloir tout reprendre � z�ro sans redevenir sans vie. Mais la haine de B�r�nice se porte aussi contre des jeunes�:
- Contre les fr�res de Constance Chlore : �Je suis contente qu�ils soient morts. Et, comme emport�e par ma violence, je le gifle encore et encore. Je r�agis � une goutte de miel par une mer de fiel.� (page 342). Appara�t aussi un autre des noms�d�Yahveh : �Et il se l�ve, le v�ritable Adona�.� qui est cens� prendre la parole alors que c�est encore B�r�nice qui s�exprime (page 311). Elle est alors remarqu�e par un de ses cousins new-yorkais�: �Depuis que j�ai des mamelles et que je n�ai plus de boutons, Mordre-�-Caille, l�a�n� de mes cousins, m�aime en silence. Elle a �t� au th��tre � Hambourg, � l�op�ra � Oslo. - Le �po�me de Verlaine o� l�on voit deux coll�giennes jouer ensemble au monsieur et � la madame.� (page 346)�est ��Pensionnaires�� (dans ��Les amies��, du recueil ��Parall�lement��). Cette collaboration entre les deux �crivains pourrait m�me avoir �t� organis�e par la maison Gallimard qui avait d�j� re�u les manuscrits du ��Nez qui voque�� et de ��L�oc�antume�� qu�elle ne publiait pas, mais fit, � la suggestion de Queneau et Le Cl�zio (qui avait rencontr� Ducharme au Mexique), en cette ann�e 1966 o� les �diteurs fran�ais tenaient � avoir chacun son poulain qu�b�cois (Marie-Claire Blais avec ��Une saison dans la vie d�Emmanuel��, Jean Basile avec ��La jument des Mongols��, Hubert Aquin avec ��Prochain �pisode��, Yves Th�riault avec ��Le temps du carcajou��), un pari sur la conqu�te d�un march� au Qu�bec, pari r�ussi qui a permis ensuite le succ�s des autres �uvres, m�me si elles sont d�une qualit� inf�rieure. Je ne m�excuserai pas d�avoir essay� de sortir de mon mal. Ah ! Je marcherai contre les flammes et contre les arm�es. Anim�e d�une volont� de puissance �poustouflante, ne voulant pas se faire avaler par la vie, mais avaler la vie, elle ose des d�clarations fracassantes��:
- �Quand je serai grande, je serai arrogante et impie. - Il y a des ��chauguettes�, dans lesquelles �les nonnes se mettaient [�] pour tirer sur les Indiens� (ce qui pourrait �tre le souvenir de l��pisode historique o� s�illustra Madeleine de Verch�res). : le vers �La valeur n�attend point le nombre des ann�es� lui inspira�: �les couteaux et les fourchettes n�attendent pas le nombre des ann�es� (pages 95-96) et �la valeur n�attend pas le nombre des ann�es�, citation qui est attribu�e � Rabelais par le p�dant ridicule qu�est Blasey Blasey (page 283) - �Rodrigue as-tu du c�ur?� lui inspira�: �B�r�nice Einberg, as-tu du c�ur?� (page 250) - �Va, je ne te hais point��lui inspira : �je ne te hais pas� de Rosenkreutz (page 368). En effet, elle d�clare �qu�o� elle le trouve, elle peut lire l�article ind�fini ��un�� que sens devant derri�re. Elle est, selon lui, un personnage baroque, une Bovary � lubies, �une inadapt�e, une d�s�quilibr�e, une grande enfant� (page 179). - �S�il n�y a ni Chat Mort, ni Christian, il n�y a personne d�autre que moi sous le soleil. Quand l�homme vit l�homme mourir, il poussa un grand cri�: c�est ainsi que lui vint la parole. Elle dit qu�elle voit dans l�article d�fini ��le�� une se�orita dans son bain. Elles ne sont que ce que je leur ordonne d��tre. Comme le nom, trace d'une origine, signale l'appartenance � une communaut�, c�est au niveau de la nomination des personnages que le st�r�otype juif s'impose d�abord dans le texte�:
- Le nom �Einberg� est typiquement juif, d'une part du fait de l'analogie avec �Steinberg�, nom d�une grande cha�ne de magasins d�alimentation de Montr�al qui �tait alors l'un des noms embl�matiques de l'appartenance juive dans le discours social qu�b�cois ; d'autre part, du fait qu�en allemand �ein Berg� signifie �une montagne� et qu�� Montr�al, �la montagne� (le mont Royal) d�limite des quartiers (Westmount, C�te-Saint-Luc, Outremont) o� habitent majoritairement les juifs. Cependant, reconna�t-elle � cette occasion, �elle est si belle, m�me avec rien sur le dos, que tout � coup ma vengeance m�appara�t ridicule.� (page 88). S�il ne m�ob�it pas, � qui d�autre ob�it-il? Elle dit bien vers la fin du roman : �Je suis agressivement apatride, follement heimatlos. Les religions
Dans ��L�aval�e des aval�s��, sont mari�s un juif et une catholique polonaise, qui se partagent leurs enfants, B�r�nice (qui est juive) et Christian (qui est catholique). - �� plat ventre� sur le macadam, et sentant �la chaleur du sol [la] p�n�trer, exciter [son] sang�, elle d�clare �Je suis�Ant�e�, s�identifiant donc au g�ant qui reprenait des forces chaque fois qu�il touchait le sol (page 249). Ce pays est mon pays ; sa poussi�re or est de celle qui circule dans mes veines [...] Qu�il est merveilleux d��tre juive, apr�s n�avoir rien �t�. Je sais maintenant quoi faire de ma vie.� (pages 212-213). Mais, si elle m�prise son autorit�, elle doit la subir�: �L�autorit� que Zio a sur moi ne tient � rien, il faut bien l�avouer. Mais, enfin, il abandonne (page 293). Dans ��L�aval�e des aval�s��, l'alt�rit� juive pourrait �tre une repr�sentation de la douloureuse impuissance des Canadiens fran�ais et, plus sp�cialement, des Qu�b�cois. Je connais l�issue de la bataille. - �Ne te laisse pas faire. Elle pratique l'hallucination simple � la Rimbaud � laquelle l�a initi�e Chamomor�en lui faisant observer le cognac (dont elle a trop bu?) Quand j�ai les yeux ouverts, c�est par ce que je vois que je suis aval�e, c�est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. Mais, dans sa r�ponse, il se fait le p�le porte-parole du conformisme familial, lui disant : �Je vois que Maman Br�ckner, Papa Einberg et toi occupez toujours la totalit� de la place qu�il y a dans ma vie.�, lui reprochant�: �Ton attitude envers Maman est incompr�hensible [�] Ton attitude envers Papa n�est gu�re plus r�jouissante.� (pages 110-111). Avec Christian, �Nous d�couvrons l��le. Il conna�t une angoisse qui est le r�sultat de la haine qu�il �prouve envers une personne dont il a par ailIeurs un tr�s grand besoin et qui pr�cis�ment a refus� d�y r�pondre. La Deuxi�me Guerre mondiale�:
- Elle a vu Hitler ordonner l�extermination par les nazis de cinq millions de juifs, ce qu�on appelle la Shoah ou l�Holocauste ; d�o� ces mentions par l�iconoclaste B�r�nice qui �salue � la Hitler� (page 182)�: �les mains tatou�es de num�ros de camps de concentration� (page 129), �le p�re, la m�re, les fr�res et les s�urs� de Gloria qui �furent incin�r�s par la Gestapo� (page 363). Quand j�ai les yeux ferm�s, c�est par mon ventre que je suis aval�e, c�est dans mon ventre que j��touffe. [�] Je le frappe encore et encore. Cela correspond-il � quelque r�alit�? Car c'est en passant de la pr�hension au don que l'�tre humain devient progressivement adulte. Plut�t que la force �poustouflante de cette enfant, que la satire de la soci�t�, que la pertinence des r�flexions, ce furent surtout les performances de Ducharme en mati�re d��criture qui furent remarqu�es, l�histoire de son personnage paraissant m�me ne lui avoir servi que de pr�texte pour �s��battre en chien fou dans un langage savoureux, cru, inspir�, qui constitue son principal et prodigieux m�rite� (Maurice Nadeau, ��La quinzaine litt�raire��, 1-15 octobre 1966). Je sens l�ivresse de la folie me prendre au ventre, au c�ur, � la t�te.� (page 266). Cette qu�te de l�identit� lui permet d��voluer, de se transformer, mais n�aboutit jamais � un r�sultat d�finitif. Le retour annulant l�aller, l�ascension jusqu�au septi�me ciel est toujours, au moins, st�rile.� (pages 310-311). Elle consid�re comme incapables de se surpasser �ceux qui se d�placent sur des roues fix�s � un strapontin� (page 245). Aimer veut dire : subir. - �Tout � coup je sens mon c�ur plein de cynisme. Mais il semblerait que le �magnifique ossuaire de la H�traie� (pages 227, 298) est imaginaire. Je l�appelle monstre. - �Ce que j�ai � faire, je le sais�: conjurer les puissances que le monde coalise contre moi, r�pondre par d�autres attentats aux attentats � la solitude commis contre moi.�J�ai � grandir, � me prolonger par en haut, jusqu�� supplanter tout, jusqu�� planer au-dessus des plus hautes montagnes.� (page 27). La haine est vraie.� (page 237). Chenu. Comme � la sortie se d�roule �un convoi sinistre d�hommes en chapeau noir et en complet noir� (page 23), on peut en d�duire qu�il s�agit des juifs hassidiques qui vivent surtout � Montr�al, dans le quartier Outremont. Je ne me suis jamais so�l�e. Sur son �trajet initiatique�, chaque choix ne repr�sente qu�une �tape � d�passer, chaque certitude n�est qu�une fausse v�rit�. - �Elle occupe � la porte de ma vie une pr�sence massive, lourde, presque suffocante. [�] Je viole le cercueil.�[�] Je me r�signe � la r�p�tition. Au contraire, dans le couple de R�becca et d��liezer, c�est l�homme qui est r�duit � l��tat d�esclave (pages 113-114, 189). Elle voudrait un attachement exclusif, mais est, par ailleurs, hostile � l'amour possessif, dominateur. Lanc�es par ���Minute��, magazine fran�ais � scandales, et relay�es au Qu�bec, les rumeurs les plus farfelues circul�rent sur son identit�.